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Vente « à la bougie » du mobilier de la commanderie de Châteaubernard en 1794

La Révolution ayant dépossédé les ordres religieux de leurs biens, les bâtiments, meubles, terres et revenus des commanderies ont été progressivement mis en vente On se portait acquéreur pour des raisons diverses : accroissement du patrimoine, besoin de matériel bon marché, recherche de matériaux. C’est ainsi que de nombreux bâtiments ont disparu, démolis pour avoir servi de carrière de pierre à des entrepreneurs.

Ces biens, devenus « nationaux », étaient vendus par adjudication. Un document très rare se trouve aujourd’hui aux Archives Départementales de la Charente, à Angoulême. Il s’agit du compte-rendu très détaillé de la vente d’une partie du matériel viticole de la commanderie de Châteaubernard. Située à la sortie sud de Cognac, près de l’actuelle base aérienne, la ville porte en effet une très ancienne tradition viticole que les Templiers, comme partout ailleurs dans un semblable environnement, ont su exploiter en se dotant d’un matériel performant.

L’église de la commanderie de Châteaubernard<br>unique vestige de la commanderie

Les armoiries de la ville de Châteaubernard<br>à la croix de Malte d’argent<br>source : www.ville-chateaubernard.fr

Ce document (coté Q IV dans la série des Biens Nationaux) nous fait participer « en direct » à cette vente à la bougie, avec ses enchères, ses surenchères, ses gagnants et ses perdants. Le principe tient au fait que la durée de l’enchère est limitée à la durée de vie de deux petites bougies, soit environ 20 secondes chaque fois. C’est l’apparition de la fumée qui signe leur extinction. Lorsqu’aucune enchère n’est lancée pendant cette brève période, le bien est adjugé au « plus offrant et dernier enchérisseur ».

Les ventes à la bougie se pratiquent toujours. Contrairement aux ventes aux enchères habituelles, elles ne sont pas dirigées par un commissaire-priseur, mais par un notaire.

29 juillet 1794 : le document

Aujourd’hui onze thermidor deuxième année de la République une et indivisible huit heures du matin. En vertu de l’arrêté du Directoire du district de Cognac du jour d’hier portant que les effets mobiliers qui sont dans les bâtiments de la ci-devant commanderie de Châteaubernard seront vendus ce jourd’hui au présent lieu, heure de huit du matin (sic) au plus offrant et dernier enchérisseur en la présence de deux commissaires de ladite commune ; Nous, Jean Bareau, commissaire du Directoire du district, nous sommes, avec les citoyens Jean Chapeau et Jean Martine(t), commissaires nommés par ladite commune de Châteaubernard, transportés dans le bâtiment de la ci-devant commanderie, où étant, il a été par nous procédé en leur présence à la vente dudit mobilier de la manière qu’il suit, après avoir attendu depuis l’heure [ ] jusques celle de neuf du matin, et qu’il s’est présenté des citoyens pour porter lesdits effets à l’enchère.

Avons exposé et mis en vente un treuil1 de bois servant à fouler de la vendange avec une dalle pour y décharger de la vendange. Pour y parvenir avons allumé la bougie qui a été déclaré que ce feu est le feu provisoire. Il a été enchéri par Jean Froin à la somme de trente livres ; par Etienne Martineau à a somme de soixante livres. Il a été allumé deux autres feux consécutifs qui se sont éteints sans que personne ait surenchéri. Au moyen de quoi il a été adjugé audit Etienne Martineau pour la somme de soixante livres, lequel a payé comptant entre nos mains.
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Plus avons mis en vente un autre treuil de bois à presser composé du treuil, un écrou, une vis, une poutre sous la vis, une autre poutre pour faire tourner le tour [d’appel], deux [cubles] et une cheville de fer. Le feu a été allumé. Il a été porté à la somme de cent vingt livres par François Froin de la commune de Châteaubernard ; par Elie Joseph Gaboriaud à la somme de cent cinquante livres ; avons allumé un autre feu sur lequel Jean Biennassis a enchéri à la somme de cent soixante-quatorze livres ; par François Froin il a été porté à la somme de deux cents livres ; par ledit Gaboriaud à la somme de deux cent vingt livres ; et par ledit Jean Biennassis à la somme de deux cent trente livres. Le feu s’est éteint. Avons allumé un autre feu lequel s’est éteint sans aucune enchère. Avons adjugé audit citoyen Jean Biennassis de ladite commune de Châteaubernard pour ladite somme de deux cent trente livres, laquelle somme il a payée comptant entre nos mains.
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Avons mis en vente un câble servant audit treuil, lequel a été porté à la somme de trente livres par le citoyen Etienne Martineau ; par ledit Gaboriaud à la somme de trente-six livres ; et par ledit Jean Biennassis à la somme de quarante une livres. Avons allumé le dernier feu, lequel s’est éteint sans aucune autre enchère. Avons adjugé ledit câble audit Biennassis comme plus offrant et dernier enchérisseur, lequel a payé comptant entre nos mains ladite somme de quarante une livres.
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Plus avons mis en vente six madriers et six [prons], une dalle de bois pour presser la vendange, et il a été porté par le citoyen Jean Biennassis à la somme de vingt livres ; par Jean Boumard à vingt une livres ; par François Froin à vingt-deux livres ; par Elie Gaboriaud à vingt-trois livres et par Jean Biennassis à vingt-quatre livres. Avons allumé un autre feu qui s’est éteint sans aucune enchère. Avons adjugé audit citoyen Jean Biennassis pour ladite somme de vingt-quatre livres, laquelle a payée comptant entre nos mains.
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Plus avons mis en vente quatre madriers [donnés] pour faire un treuil, lequel a été porté par Pierre Ruteau de la [ville de Ber]gerac2 à la somme de trente-six livres ; par le citoyen Gaboriaud à quarante livres ; par Etienne Martineau à quarante-cinq livres ; par Jean Biennassis à quarante-sept livres ; par François Froin à quarante-huit livres, et par ledit Jean Boumard à quarante-neuf livres. Avons allumé un autre feu qui s’est éteint sans aucune enchère. Avons adjugé audit Boumard pour ladite somme de quarante-neuf livres comme plus offrant et dernier enchérisseur, lequel a payé comptant la somme entre nos mains.
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Plus finalement avons mis en vente onze jantes qui paraissent être destinées pour faire une roue pour [une vis] de treuil, lesquelles ont été portées par François Froin à hui livres ; par Jean Biennassis à neuf livres et par ledit Froin à dix livres. Avons allumé un autre feu qui s’est éteint sans aucune enchère. Avons adjugé audit François Froin de ladite commune de Châteaubernard comme plus offrant et dernier enchérisseur, lequel a payé comptant ladite somme de dix livres entre nos mains.
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Bienassis   Boumard   J. Martineau   Chapeau

Barreau commissaire


  1. En Aunis, « treuil » désigne le pressoir. 

  2. Il existe encore aujourd’hui à Saint-Michel-de-Montaigne, en Dordogne, entre Bordeaux et Bergerac, une exploitation viticole appelée « Domaine de Ruteau ».