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Beaugy, Bretteville-le-Rabel, Voismer et Courval

BRUNET V.A. Notice historique sur les Commanderies des Templiers (Beaugy, Bretteville-le-Rabel, Voismer et Courval). 1869.

Origines de l'ordre

Vers l'an 1118, neuf gentilshommes se consacrèrent au service de Dieu à Jérusalem, et, après avoir été quelques années sans augmenter leur nombre, ils obtinrent la permission de bâtir une maison de l'enclos du temple de Salomon : de là leur vint le nom de chevaliers du Temple ou Templiers. L'ordre du Temple reçut sa confirmation, sa règle et son habit au concile de Troyes, en 1127. La règle fut composée par saint Bernard : quant à l'habit, il était blanc et surmonté d'une croix patriarcale rouge. Les nouveaux chevaliers n'eurent garde d'oublier le but de leur institution ; défenseurs intrépides de la foi chrétienne, ils portèrent par leurs brillants faits d'armes la terreur dans les rangs des infidèles et acquirent une importance proportionnée à leur utilité. Ils ne tardèrent pas à se répandre dans toute l'Europe, où leurs maisons, dont Mathieu-Paris porte le nombre à neuf mille, élevèrent leurs tours crénelées aussi haut qu'un château féodal. Leurs immenses richesses, fruit de leurs victoires ou provenant de donations pieuses, les rendirent ambitieux et causèrent leur perte.

Le roi et le pape, jaloux de la puissance d'un ordre devenu peut-être dangereux, ne cherchaient que l'occasion de le faire supprimer ; d'atroces accusations trop peu justifiées servirent à faire arrêter et condamner les Templiers.

« Il est un fait dans l'histoire de France qui n'est pas assez observé, dit le comte de Maistre, c'est celui des Templiers. Ces infortunés, coupables ou non, demandèrent expressément à être jugés par le tribunal de l'inquisition, car ils savaient bien, disent les historiens, que s'ils obtenaient de tels juges, ils ne pouvaient plus être condamnés à mort.

Mais le roi de France, qui avait pris son parti et qui sentit l'inévitable conséquence de ce recours des Templiers, s'enferma seul avec son Conseil d'Etat et les condamna brusquement à mort. C'est ce qui n'est pas, comme ce me semble, assez généralement connu. »

Le grand maître, Jacques de Molay, et quelques autres dignitaires de l'ordre furent brûlés à Paris par ordre de Philippe-le-Bel, et leurs dépouilles adjugées aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à l'exception des biens situés en Aragon, que l'on donna aux chevaliers de l'ordre de Calatrava, et de ceux situés en Portugal, qui furent dévolus aux chevaliers du Christ.

Commanderies du Calvados

Beaugy

La commanderie de Beaugy, située sur la paroisse de Planquery, fut fondée en 1148, par Roger Bacon, seigneur de Molay, Malthide Bacon, Geoffroy de Malherbe, Jean de Magueville, Henry de Vaubadon, Guillaume Louvel et quelques autres.

Les Templiers de Beaugy, au nombre de trois :
Albin Langlois, commandeur de Beaugy ;
Guillaume Le Raure,
Raoul de Perousse, templiers de Beaugy,

furent arrêtés par Jean de Verretot, le 13 octobre 1307, et amenés à Caen.

« Dès le six du même mois, le bailli de Caen s'était transporté à Beaugy pour faire, en présence d'Albin Langlois, commandeur, et de ses frères, l'inventaire du mobilier ; il en avait laissé la garde à cinq sergents du roi. »

La procédure fut commencée le 28 octobre, dans les salles du Châtelet de Caen, forteresse placée sur le pont Saint-Pierre, et qui servait lors d'hôtel de ville.

On ne sait quel fut le sort de ces trois templiers.

Après la destruction de cet ordre, la commanderie de Beaugy passa à l'ordre de Malte.

La chapelle de cette commanderie existe encore ; elle offre beaucoup d'intérêt pour l'archéologue et l'antiquaire, « quoiqu'elle ait été transformée en habitation et défigurée à l'intérieur. »

Bretteville-le-Rabel

L'époque précise de cette fondation est inconnue ; mais on croit qu'elle remonte au XIe siècle,

En 1307, il y avait trois templiers à Bretteville, un commandeur et deux frères.
Mathieu Renaut, commandeur ;
Geoffroi Hervieu,
Jean Challes, templiers.

Il furent interrogés et mis à la torture à Caen, en même temps que les templiers de Voismer.

Après la destruction des Templiers, cette commanderie passa aux chevaliers de Malte, qui en a joui jusqu'à la Révolution.

Les bâtiments sont maintenant en ruines (1).

Voismer

La commanderie de Voismer fut fondée, vers l'an 1148, par les sires de Gouvix sur la paroisse de Fontaine-le-Pin (canton de Bretteville-sur-Laize).

Gaultier de Bullex, commandeur, originaire du diocèse d'Amiens ;
Henry des Rotours,
Christophe de Louviers, templiers,

furent arrêtés au mois d'octobre 1307, en même temps que les autres templiers du bailliage de Caen. Ils comparurent devant une commission, composée de quatre dominicains et de deux chevaliers nommés pour les interroger et les juger.

Ils eurent beau chercher à se disculper, ils étaient condamnés d'avance. Gauthier de Bullex fut brûlé à Paris, où il avait rétracté les aveux qu'il fit à Caen, et déclara que la torture les lui avait arrachés ainsi qu'à ses confrères.

La commanderie de Voismer passa aux mains des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Elle resta en leur possession jusqu'en 1793. Les bâtiments sont actuellement détruits.

Courval

La commanderie de Courval, sur le territoire de Vassy, avait été fondée, vers le XIIe siècle, par les seigneurs de Vassy.

Au XIIIe siècle, les templiers de Courval eurent des contestations avec le prieur du Plessis pour des droits de dîmes ; mais ces contestations se terminèrent à l'amiable ou par des jugements apostoliques.

En 1307 furent arrêtés à Vassy :
Etienne de Chateauneuf, commandeur de Courval ;
Richard Bellennel,
Guillaume Tane, templiers ;

« ils confessèrent, comme leurs confrères des commanderies d'Europe, que tous les profès, en entrant dans l'ordre, étaient tenus de renier Jésus-Christ et de marcher sur la croix ;

Que le profès, en déshabillé, était embrassé d'une manière sale par celui qui le reçoit, et qu'on lui permettait d'en agir de même avec ses frères, les statuts de l'ordre autorisant de pareilles indécences (2). »

Nous extrayons de la Statistique monumentale du Calvados les notes qui suivent :

« Le chapelain qui desservait la paroisse de Courval pour l'ordre de Malte, qui avait succédé aux Templiers, était dans l'usage de faire l'eau bénite et le pain bénit à la messe tous les dimanches. Monseigneur de Nesmond, évêque de Bayeux, défendit, en 1665, au chapelain qu'à l'avenir il en fût ainsi ; mais François de Gastines, commandeur de Beaugy et de Courval, (pour les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem), s'opposa à cette ordonnance de l'évêque par exploit du 29 août de la même année, déclarant au prélat que ce qui était fait par lui ne préjudicierait en rien aux droits, privilèges et dignités de lui, commandeur, et de son ordre. A cette époque, comme on le voit, la commanderie de Courval était réunie à celle de Beaugy. Le commandeur de Courval fit, en 1681, une transaction avec Grimoult, curé de la première portion de Vassy, au sujet des dîmes qu'il avait droit de percevoir sur différents fiefs.

Il existe aux archives de la préfecture du Calvados un inventaire de la commanderie de Courval fait au siècle dernier. »

Les bâtiments de cette commanderie sont encore en assez bon état de conservation, sauf quelques petites portions qui sont assez dégradées.

FIN.

IMPRIME PAR D. JOUAUST
Rue Saint-Honoré, 338, à Paris
M DCCC LXIX

(1) Voir dans la collection des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie une excellente notice sur cette commanderie par M. Lechaudé d'Anisy.

(2) Notes manuscrites de M. Lemarchand, avocat.

Liens

texte résumé de l'Inventaire de la Commanderie de Baugy, Bretteville, Voismer et Courval dressé par le bailli de Caen le 13 octobre 1307 in Histoire de la ville de Caen depuis Philippe Auguste jusqu'à Charles IX
Pierre Carel
Caen : impr. Champion, 1886.
p. 54 à 64
http://www.normannia.info/document/carel1886b.html