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Islam, Temple et Baphomet

Yalla en écriture arabe

Il existe encore des documents qui, bien que connus et répertoriés, sont restés inédits et donc peu exploités. Tel est le cas des interrogatoires des Templiers menés par le sénéchal de Carcassonne en novembre 1307, un mois à peine après l’arrestation.

Le dossier se compose de six dépositions dont trois très brèves. L’ensemble cependant fourmille d’informations sur le mode de réception et, en particulier, parce qu’il est présenté comme faisant partie intégrante du rituel, sur cet objet mystérieux que les secrétaires de l’Inquisition nommeront idole, image ou baphomet.

Tant de choses ont été écrites sur ce Baphomet. Que pourrait-on découvrir de nouveau ?

Le Baphomet

On connaît déjà, par exemple, le lien qui semble unir ce symbole particulier à l’Islam. Baphomet / Mahomet : la relation est facile à faire, mais cette observation, cependant, ne signifie rien en elle-même. En dehors de cette quasi homophonie, on n’en sait pas davantage sur le Baphomet ni sur l’empreinte de l’Islam dans la mystique templière.

D’une autre côté peut-on véritablement se fier aux déclarations des Templiers concernant cet objet ? On sait quels moyens de persuasion étaient employés par les exécuteurs des basses œuvres de l’Inquisition et combien les juges tenaient à la mention de cette « idole » sur laquelle se fondait en grande partie l’accusation d’hérésie. Et si de cette « idole » émanaient de sulfureux effluves issus de l’Infidèle, quelle aubaine !

Baphomet / Mahomet, oui, la relation était facile à faire. Il suffisait d’entendre le mot pour qu’affleure à la conscience ce nom honni qu’en ce temps de croisades toute la chrétienté connaissait. Le mot « Baphomet » est pourtant assez peu utilisé dans les dépositions, et surtout dans le Midi de la France. « Idole », « image hérétique », sont de plus loin plus fréquents. Si les Templiers de Carcassonne ont tous parlé, sous la pression des inquisiteurs naturellement, de cette idole-image, deux seulement ont employé le mot Baphomet (baffometi). En effet, pendant le rituel de réception de Gaucerand de Montpezat, le précepteur, qui n’était autre que Gui Adhémar, un dignitaire de l’Ordre, maître provincial, conduisit le postulant dans une salle à part et lui présenta deux objets : un crucifix, et « une image ou idole dorée hérétique représentant un homme barbu », dont il dira un peu plus loin qu’elle figurait un « baphomet ». Raymond Lerouge, quant à lui, dira qu’on lui a montré un crucifix d’abord, puis « une idole en bois où était peinte l’image d’un Baphomet ». Mais comment peut-on savoir dans quelle mesure ce mot de Baphomet a été « suggéré », imposé aux témoins, ou même délibérément ajouté lors de la rédaction définitive de l’acte ?

Yalla !

Il est une autre mention liée à l’idole qui apparaît dans la déposition de Raymond Lerouge et qu’on ne trouve, à notre connaissance, nulle part ailleurs : un mot, mais un mot rare et précis, si précis et si rare que les Inquisiteurs eux-mêmes n’auraient jamais eu l’idée de l’employer, si tant est qu’ils l’eussent seulement connu. « Il embrassa les pieds [de l’idole] en disant yalla ». Le terme est si surprenant que le scribe se sent obligé d’ajouter : « yalla, un mot sarrasin ». Pour une fois, nous pouvons tenir pour certains que ce détail-là a été fourni par le Templier lui-même et non parce qu’on a voulu le lui faire dire. Si ce terme avait été connu de l’Inquisition, elle ne se serait pas privée d’en faire « bon » usage et on le retrouverait ailleurs. Si le mot Baphomet appelle, en quelque sorte, le mot Mahomet, Yalla appelle Allah. On peut imaginer l’horreur de la situation en plein procès d’hérésie : des religieux invoquant le nom du dieu qui symbolise l’ennemi de la vraie foi ! Pourtant, le vocable est si peu connu que l’Inquisition ne l’exploitera pas.

Extrait de la déposition de R. Lerouge

Pour nous, la nuance est primordiale : nous avons là, enfin, le témoignage digne de foi d’une pratique rituelle et pas n’importe laquelle puisqu’elle est liée à ce mystérieux Baphomet et à l’Islam.

Yalla. C’est un vocable employé dans tout le Moyen-Orient et, d’une façon générale, dans toute la zone arabophone. C’est un mot tout simple, une expression de type exclamatif qu’on peut traduire par : « On y va ! » C’est un encouragement à l’action, un stimulant. Pour des religieux, c’est un rappel à l’éveil au monde, un signal pour qu’ils n’oublient jamais que le travail spirituel n’est qu’une partie de l’ascèse. Il faut aussi et tout autant s’immerger dans le monde, retrousser ses manches et se mettre au travail.

Yalla est un mot arabe qui doit s'entendre comme : « à Dieu ! » (Y-Allah) au sens impératif. En hébreu courant, on utilise aussi « Yalla » dans le même sens : « on y va », « dépêchons »…Dans une langue comme dans l’autre, l’expression fait partie du vocabulaire familier : « Yalla yalla ! », « vite, vite ! » En somme, on implore l'aide de Dieu pour faire bouger quelque chose ou quelqu’un, et c’est pour donner force à la requête qu’on prononce « Yalla » avec détermination.

Ce n’est pas un hasard si l’une des figures emblématiques du monde chrétien d’aujourd’hui, Sœur Emmanuelle, qui a cultivé toute sa vie cette vertu tout particulièrement templière d’œuvrer tout autant et avec autant de ferveur, de conviction et d’efficacité, dans une dimension que dans l’autre, avait pris pour devise ce petit mot éminemment mobilisateur. Elle aussi a passé sa vie au Moyen-Orient, au Caire, au milieu d’une population qui ne parlait pas l’arabe littéraire mais celui de tous les jours, un langage simple, concis, direct. Sœur Emmanuelle traduisait ce mot de yalla par « en avant ! ». Pour elle, il symbolisait sa voie personnelle, toute d’action et de détermination.

Foi en l’action et soumission à la volonté de Dieu. Il n’y a là aucun fatalisme mais seulement la conviction que l’action de l’homme ne prend sa pleine puissance que si elle est menée avec l’accord et l’appui de Dieu. C’est le sens de la parole prononcée par le nouveau Templier à chacune des questions que lui pose le commandeur au moment de l’initiation : « Se Deu plest », « s’il plaît à Dieu ». Mais autant « se Deu plest » se prononce dans le calme ou la méditation, autant « Yalla » résonne comme un cri. C’est le « se Deu plest » du fracas des batailles, le mot qui jaillit quand on n’a plus le temps de parler, quand tous les raisonnements se résument en une unique conviction. Agir et prier en même temps, d’un même souffle, par la grâce d’un simple mot qui renferme toute une mystique et possède la vertu de la faire ressurgir au moment de l’action.

Bibliographie

Sœur Emmanuelle : Yalla en avant les jeunes ! Livre de Poche, 1999.

Vidéo

Yalla ! hommage à la chiffonnière du Caire : DVD édité par INA sorti le 9 avril 2009, contenant l’émission diffusée par France 5 le 26 octobre 2008 en hommage à Sœur Emmanuelle.

A voir et écouter en ligne

Yalla dit par Sœur Emmanuelle : court extrait d’une émission de B. Pivot à écouter sur :
http://www.dailymotion.com/video/xa3n7a_soeur-emmanuelle-chez-pivot-yalla_news

Yalla : chanson-hommage à Sœur Emmanuelle par Calogero :
https://www.youtube.com/watch?v=Xm2IkLIYY8Q

Yalla ! En avant ! rencontre informelle avec les jeunes de Philanthropos, enregistré en 2004 (1h18). http://www.exultet.net/eshop/pages-product_music_info/category-113_124/product-2343/partenaires-oremus-sr-emmanuelle-yalla-en-avant-and-nbsp.html